mardi, décembre 04, 2007

Petite offrande sur l'autel de l'amitié franco-algérienne

En 1930, la République, glorieuse, célébrait avec faste le centenaire de l'Algérie dont les Cahiers du Centenaire écrivait officiellement une histoire. Extraits :

"Telle qu'on peut la reconstituer aujourd'hui à l'aide des documents historiques, la société indigène de 1830 est de forme oligarchique : quelques dignitaires turcs et de grands chefs arabes investis du commandement, d'assez haute allure d'ailleurs, tenant le pays sous leur autorité jalouse, fantaisiste, despotique, sans limite ni contrôle; - et la foule grouillante des douars, attardée à un stade de nomadisme pastoral, qui n'eut jamais les caractères d'idylle politique prêtés par Renan aux tribus de l'Arabie. A côté des « fils de la tente vagabonde », des groupements fermés de sédentaires : à demi-démocratiques en Kabylie, où la djemaâ dirige et réglemente la communauté, de type instable comme dans l'Aurès, l'Ouarsenis, le Dahra, où l'étroit particularisme berbère s'amollit déjà au souffle des influences « arabes » ; des fellahs perdus dans les plaines fertiles du Tell, dans quelques enclaves des Hauts-Plateaux, et que terrorisent les tribus maghzen implantées par les Turcs. Entre les chefs et la masse, et dans les villes seulement, une sorte de bourgeoisie sans racines profondes, renouvelée à chaque génération, et qui n'a rien d'une « classe moyenne » au sens précis que nous attachons à ces mots.

La situation de l'indigène est précaire. Sous son architecture de gros style féodal, la construction gouvernementale turque abrite l'anarchie. Aucune tradition administrative, aucune de ces règles ou de ces usages traditionnels qui, à défaut de législation, assurent la sécurité des biens et la sauvegarde des mœurs. La dévolution de l'autorité reste soumise au hasard des coups de force, à l'astuce, au « bakchich » adroitement offert.

Le poignard du janissaire, parfois enrichi de damasquinures italiennes, fait un Dey, comme le mauvais fusil à pierre d'un cavalier fait un chef de tribu. Un savetier de bonne mine, aimé de la soldatesque levantine, devient Dey d'Alger; un aventurier, coupeur de routes, s'intronise caïd. Il arrive aussi que la sacoche, bourrée d'argent, prépare à son détenteur une belle destinée politique. Vers 1750, à Frenda, un caïd turc qui dirige la région, est convoqué à Alger pour rendre des comptes ; on voit, quelques jours après, sa tête pendre à la porte BabAzoun : sa place a été adjugée à un riche « bourgeois » que rend généreux le goût du pouvoir. Au nouveau caïd de récupérer vite sur ses administrés le capital dépensé à l'achat de sa charge. Ses exactions ruineront les nomades ; les nomades se dédommageront sur les sédentaires ; les sédentaires, embusqués dans les défilés rançonneront à leur tour les nomades. Nul ne s'étonne; nul ne proteste, c'est la vie normale de la Régence. Les annales de l'Algérie avant 1830 sont une longue suite d'extorsions, d'abus de pouvoir, de guerres locales que le Beylick turc dédaigne d'apaiser, qu'il tolère, qu'il encourage même, pourvu que l'impôt rentre sans trop de retard et que le principe du régime ne soit pas mis ouvertement en question"

Ici vous trouverez l'intégralité des cahiers.

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